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SERENDIPITY

Classe icononique 3 : sur Cinquième évangile de Faber, La Confrérie des mutilés d'Evenson et Le Chroniqueur sans peur d'Abate - une lecture critique de Stéphane

31 Juillet 2009, 22:52pm

Publié par Seren Dipity

On va finir par croire que je ne lis que ça. Des livres étranges qui dérangent...gentiment (1 & 2) ou de manière plus inquiétante (3).
Michel Faber, Le Cinquième Evangile (Ed de l'Olivier) vo :  The Fire Gospel, trad par Adèle Carasso
Francesco Abate, Le Chroniqueur sans coeur (Ed La Fosse aux Ours) vo : Il cattivo cronista, trad de l'italien par Marc Porcu
Brian Evenson, La Confrérie des Mutilés (Ed. Le Cherche Midi)  vo :  The Brotherhood of Mutilation, trad par Françoise Smith

Sans blague, je ne fais pas exprès. Les livres trop lisses m'ennuient.
Lisse, le Faber ne l'est pas. Dès l'ouverture on comprend que le héros (anti-héros) n'est pas un spécialiste de la langue (araméen) comme les autres.
La quatrième de couv en dit beaucoup : 

Theo Griepenkerl est un universitaire sans envergure à l'ego démesuré. Dans les décombres d'un musée de Bagdad, il découvre un trésor inestimable : les mémoires de Malchus, témoin des derniers jours de Jésus. Il ramène secrètement les neuf rouleaux de papyrus au Canada et s'empresse de les traduire. Publié par une obscure maison d'édition, son Cinquième Évangile est un immense succès. Mais Theo est dépassé par le scandale que provoquent les révélations de Malchus...

Drôle, irrévérencieux, palpitant, Le Cinquième Évangile tourne en dérision cette mode des textes anciens, censés révéler au monde «la» vérité. Ce roman à la loufoquerie très british est aussi une satire cinglante des moeurs de l'édition et de la culture de masse.


Voici l'ouverture (Genèse) :
"Le conservateur du musée fit pivoter sur ses gonds une énième porte antique et, comme sur un signal, la tête d'un lion se détacha du corps."
C'est parfois férocement iconoclaste et très souvent drôle, notamment le passage où Theo consulte Amazon pour y lire les commentaires laissés par les lecteurs de 'son' évangile.
Si vous ne connaissez pas Faber, il faut absolument lire La Rose pourpre et le lys (L'Olivier et Points Seuil) : un pavé magnifique qui vous promène dans le Londres du 19ème siècle.

Chez Francesco Abate, le journalisme est un passe-droit mais aussi une voie étriquée vers la littérature. Voici la quatrième de couv : 

Rudy Saporito est journaliste, rubrique faits divers, à Cagliari, Sardaigne.

Rudy Saporito vit au jour le jour surtout la nuit.

Rudy Saporito est expert en filles, en substances illégales et en cynisme.

Rudy Saporito est aussi un écrivain à la recherche de son premier lecteur.

Pour Rudy Saporito, le troisième millénaire ne se présente pas sous les meilleurs auspices.

Le premier paragraphe donne le ton :
"Le vieux voulait que j'aie une fiche de paye blindée. Etrange de la part du vieux, mon père, étrange pour un avocat qui risque d'avoir les mêmes hauts et bas qu'un poissonnier. Tu travailles? Tu encaisses. Personne ne se présente au comptoir? Tu n'encaisses rien. Tu perds tes procès? Tu encaisses mal."
Le fils raté est donc journaliste section rats crevés, prêt à marcher sur le cadavre d'un gosse pour interviewer la mère. Il rêve de devenir écrivain -un vrai- mais ses talents littéraires font peur. Il est cynique. Il est drôle.
On se dit que c'est une sorte de Beigbedder italien, ramoli par la chaleur.
Assez savoureux.

 

Brian Evenson, l'auteur de La Confrérie des mutilés,  est écrivain et traducteur (entre autres de Christian Gailly et de Claro -ça tombe bien : il est publié en France dans la collection Lot49) Pour ceux qui aiment les détails biographiques aussi croustillants que douteux, Evenson est un ancien témoin de Jéhovah (ou Mormon ou une confrérie religieuse tout aussi absurde)
Voici la citation en exergue :
Si ton oeil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi... Et si ta main droit est pour toi une occasion de chute, arrache-la et jette-la loin de toi... (Matthieu, 5 : 29-30)
Et l'ouverture :
"Il ne comprit que plus tard pourquoi ils l'avaient contacté, trop tard pour que l'information lui soit utile."
La quatrième de couv est alléchante : 

Après avoir perdu une main lors d'un règlement de comptes, Kline, un détective privé, se voit confier une enquête au sein d'une société secrète composée de mutilés volontaires, où un meurtre a été commis.

Mais, pour mener son enquête, Kline doit gagner la confiance des membres de cette étrange secte. Or cette confiance se paie cher car, pour accéder à certains niveaux de la hiérarchie, il convient d'être à chaque fois davantage amputé... Jusqu'où Kline sera-t-il prêt à aller pour découvrir l'insoutenable vérité ? Les voies de la confrérie sont-elles impénétrables ?

Dans la lignée de Poe et de Borges, une prose incisive au service d'un récit dérangeant, où rivalisent humour noir et banalité de l'horreur.

Et ça fonctionne diablement bien. Le roman commence comme un Paul Auster revu par Stephen King et vous emmène vers un cauchemar sanglant et métaphysique. Rassurez-vous, il y a de l'humour :
"Je pourrais compter les gens qui cautérisent leur plaie eux-mêmes sur un doigt d'une main, poursuivit Ramse.
- S'il en avait une.
- Si j'en avais une."

Quand je lis ce que ce type écrit après quelques années chez les illuminés, je me dis que mon athéisme devrait me sauver quelques membres...

Le roman est vraiment à découvrir.

Signé Stéphane.

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