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SERENDIPITY

Magical mystery tour : sur Swamplandia de Karen Russell - une lecture critique de Cornélia

28 Octobre 2012, 13:53pm

Publié par Seren Dipity

  La mort d’Hilola Bigtree, la célèbre dompteuse d’alligators de Swamplandia, projette toute sa famille dans le chaos. Le grand-père, fondateur du parc, végète dans une maison de retraite, le père s’absente pour de mystérieuses affaires sur le continent et Kiwi, le fils aîné se fait embaucher dans un parc concurrent dans l’espoir d’éviter la faillite de l’entreprise familiale. Restées seules sur l’île marécageuse entre alligators et vautours, Ossie se perd dans une romance avec un fantôme tandis qu’Ava, la cadette, se lance dans un périple rocambolesque et initiatique à la recherche de sa sœur.swamplandia-karen-russell.jpeg

Les aventures de cette fratrie séparée par les événements mènent le lecteur de surprise en surprise, du rire aux larmes. Karen Russell réussit là un formidable roman de formation qui interroge avec  une grande sensibilité les joies et les peines de l’adolescence à travers ses trois personnages hauts en couleur : le deuil et l’héritage parental parfois difficile à assumer, le poids des responsabilités tombées trop vite sur de jeunes épaules, les humiliations d’un premier boulot décevant, les ravages d’un premier amour dévorant et la découverte parfois douloureuse de la sexualité. Elle brosse aussi un portrait touchant d’une autre Amérique, de toute une population qui vit à la marge à la fois des marais inhabitables et de la société. C’est par ailleurs un hommage à la vie sauvage dans ces marécages impénétrables dont Karen Russell traduit le caractère indomptable ; elle appelle sur nous la chaleur écrasante, saturée de moustiques, elle nous noie dans la végétation étouffante et nous fait rencontrer une faune préhistorique et inquiétante. C’est, pour finir, un hymne à la solidarité familiale et au courage de l’individu face aux vicissitudes de la vie et aux hostilités d’autrui.
Un premier roman entraînant, parfois aux limites du conte, sombre et brillant de mille feux à la fois, un brin décalé et fort en émotions.
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Attention, ne pas lire ce qui suit si vous n’avez pas fini le livre mais avez l’intention de le faire !
Swamplandia_Web_0_0.jpgC’est la jeune Ava qui raconte l’essentiel de cette histoire aux méandres multiples, du haut de ses treize ans et l’on ne peut que s’attacher à sa force de caractère dans cette suite d’événements éprouvants : après la perte de sa mère et la disparition des hommes de la famille, elle se trouve seule en charge des animaux du parc, seule aussi à croire encore en un avenir de Swamplandia. Incapable de laisser sa sœur courir à sa perte, elle brave tous les dangers en partant à sa recherche et elle paie cher son sens du devoir familial en tombant entre les griffes du mystérieux « Oiseleur » dont les intentions à son égard se révèlent bien peu honorables. J’ai été absolument impressionnée par la subtilité de la métamorphose du reflet de cet homme dans les yeux d’Ava, passant progressivement d’un personnage magique issu d’un compte de fée à un minable violeur d’enfants. Cette démystification m’a heurtée profondément car comme Ava, j’avais envie de croire en la bonté de cette figure certes extravagante, et la déception n’en est que plus douloureuse… Une chose est sûre, les personnages aux multiples facettes de Karen Russell ne manqueront pas de marquer durablement ses lecteurs !
Signé Cornélia
Karen Russell, Swamplandia, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Valérie Malfoy. Ed. Albin Michel
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