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SERENDIPITY

Histoires d'eaux : sur Zola Jackson de Gilles Leroy et D'Autres vies que la mienne d'Emmanuel Carrère - une lecture critique de Stéphane

18 Février 2010, 14:25pm

Publié par Seren Dipity

Ces dernières années, je répétais souvent à qui voulait encore bien m'écouter, que passé six mois en librairie, un livre non lu le resterait sans doute pour l'éternité. Dit comme ça, c'est un peu grandiloquent mais je vous assure que je le pensais souvent. Toutes ces nouveautés qui poussent les livres vieux de trois-quatre mois vers leur destin recyclé, poussent également les volumes qui encombrent ma table de nuit et mon bureau.
Trop tard, vieux : t'es mort!

C'est dur. Je sais. Pour vous consoler, sachez que je les garde, jamais très loin. Au cas où. Au cas où je me casserais une jambe et serais -oh merveille- immobilisé pendant des semaines. Ou pour ma retraite, si j'en ai une. Bref, je ne désespère pas (sauf pour la retraite.)
Mais quand même.

A l'heure des bilans de fin d'année, faisons le bilan des livres que je n'ai pas lus... Oh, pas tous les livres, rassurez-vous. Ceux que je voulais lire et qui finalement m'ont échappé.
Bernard Giraudeau, Cher Amour (Métaillié)
John Berger, De A à X (L'Olivier)
Marc Lévy, Premier Jour Première Nuit/Première Panne/Premier Viagra/ Première goutte  - nan, je déconne!
Emmanuel Carrère, D'Autres Vies que la mienne (POL)carrere-autres-vies.jpg
Et j'en oublie.

Lorsque Gaélig m'a envoyé son Top10, j'avais décidé le matin même d'écouter le dernier roman d'Emmanuel Carrère, D'Autres vies que la mienne (qui venait de sortir chez Gallimard dans la collection Ecoutez Lire). Number 1* dans une liste qui compte des très bons romans, c'est pas rien. J'ai décidé d'attaquer le jeudi. Et il a neigé, neigé, neigé. J'ai mis 2h20 pour parcourir 60 kilomètres avec 20 à 30 cms de blanc autour de moi. Et ce livre terrible et magnifique. J'avais écouté, quelques jours auparavant, le Max Brooks et ses zombies. La chanson de REM It's the end of the world as we know it (and I feel fine) me trottait dans la tête. Et j'avais là une autre fin du monde, d'autres fins du monde. L'écoute du roman m'a accompagné les quelques 9 heures que durent la lecture. Et les suivantes. Et les suivantes. Car le livre vous hante, bien après sa fin.
Après les heures terribles passées au Sri Lanka pendant et après le tsunami, Emmanuel Carrère fait le récit de la vie et la mort de sa belle-soeur, juge à Lyon (le passage sur le surendettement est plus passionnant que certains polars).
Comme l'écrit Emmanuel Carrère :
« Écrire sur ce qui me fait le plus peur au monde : la mort d’un enfant pour ses parents, celle d’une jeune femme pour ses enfants et son mari. La vie m’a fait témoin de ces deux malheurs coup sur coup, et chargé, c’est du moins ainsi que je l’ai compris, d’en rendre compte. »

Le livre est une pure merveille d'émotions et de retenue. Il finira sans doute dans mon Top10 pour l'année 2010 ou alors il faudrait vraiment que l'année soit une excellente cuvée littéraire.

Puisque j'étais parti dans diverses lectures eschatologiques (j'adore ce mot, découvert chez Mircea Eliade, et les occasions de l'utiliser, avouons-le, sont rares - profitons-en), j'ai continué avec le dernier roman de Gilles Leroy, Zola Jackson (Mercure de France, janvier 2010)leroy-zola.jpg
Louisiane, Nouvelle-Orléans, août 2005, Katrina, Zola.
Après Zelda (Alabama Song), Gilles Leroy nous offre un autre magnifique portrait de femme. La montée des eaux, les ruptures de digues et les éléments déchainés se mêlent aux souvenirs de Zola Jackson, à son orgueil, à son refus de quitter sa maison et sa chienne, à ses regrets concernant son fils.
Le passé et le présent vont et viennent s'échouer sur Zola qui résiste à tout : à la honte, au racisme, aux humiliations, au deuil. Un splendide portrait tout en finesse d'une femme forte et attachante.





* voir le post de Gaélig sur son TOP 10 de l'année ici

Signé Stéphane.

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