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SERENDIPITY

A Hard day's night : sur Un Repas en hiver de Hubert Mingarelli - une lecture critique de Stéphane

5 Octobre 2012, 14:04pm

Publié par Seren Dipity

Plusieurs demandes de client m'ont rappelé que j'avais un article à finir sur ce roman lu pendant l'été. Je profite de la soirée "Goncourt"* de La Grande Librairie pour tenter de finir...

 

En quelques cent trente pages, Hubert Mingarelli parvient à dire la guerre, la solitude, la peur, la fraternité. L'homme.un_repas_en_hiver_mingarell1-copie-1.jpg

Trois hommes, pour fuir l'horreur quotidienne des fusillades, décident de se porter volontaires pour aller traquer les juifs qui se cachent dans le froid de la Pologne. Commence alors une journée loin du campement. Cet échappatoire, pour qu'il se renouvelle, doit être productif : il faut ramener un juif.

Lorsqu'ils tiennent leur cesame, ils se rendent dans une maison abandonnée, découverte plus tôt, bien décidés à se réchauffer et à manger. L'arrivée d'un polonais hargneux et profondément antisémite bouleverse leur soirée.

Le reste est à découvrir dans ce grand petit livre.

Entre temps, nous aurons accompagner ces trois hommes égarés dans la barbarie et la folie militaire. Mais Mingarelli ne montre pas la barbarie : il n'y a pas de charnier, presque pas de corps. Il y a l'humain face à l'autre, face à l'innommable, face à son humanité.

"Parce que si vous voulez savoir ce qui moi me faisait mal, et qui m'en fait jusqu'au jour  de maintenant, c'était de voir ce genre de choses sur les habits des Juifs que nous allions tuer : une broderie, des boutons en couleur, ou dans les cheveux un ruban. Ces tendres attentions maternelles me transperçaient. Ensuite je les oubliais, mais sur le moment elles me transperçaient et je souffrais pour les mères qui s'étaient donné ce mal, un jour. Et ensuite à cause de cette souffrance qu'elles me donnaient, je les haïssais aussi. Et vraiment je les haïssais autant que je souffrais pour elles.

Et si vous voulez savoir encore, ma haine était sans fin lorsqu'elles n'étaient pas là pour serrer contre elles leurs joies sur terre pendant que moi je les tuais."

Cette soirée hors du temps, dans une maison abandonnée hors du monde devient un refuge existentiel.

Concis et puissant, Mingarelli dit l'homme et l'horreur**.

 

 

Signé Stéphane

_____________________

* Quignard, Echenoz et Modiano. Pas facile avec Modiano...

** Ce livre bref et dense m'a rappelé un autre roman, tout aussi fort, sur ces hommes projetés dans la guerre, Paix de Richard Bausch. Voir ICI.

Le dernier Echenoz, 14, que je n'ai pas encore lu, semble être de cette trempe.

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