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SERENDIPITY

New kid in town* : sur Vivre vite de Philippe Besson - une lecture critique de Stéphane

14 Janvier 2015, 11:33am

Publié par Seren Dipity

Pour évoquer le mythe James Dean, Philippe Besson convoque tous ceux qui l'ont approché.  

Ca débute comme ça :

"Je suis morte le 14 juillet 1940, Jimmy avait neuf ans. "

C'est Mildred Dean, la mère de James qui ouvre le bal. Que le roman s'ouvre sur une mort, quoi de plus normal?

Mais la mort de la mère est cruciale, autant que les quelques années qu'elle aura partagé avec son seul enfant. Son ouverture d'esprit va permettre au petit Jimmy de développer ses talents;  sa mort va changer le destin de Jimmy, il sera séparé de son père et envoyé dans sa famille, dans l'Indiana.

Philippe Besson a utilisé une documentation finalement assez maigre (deux ou trois livres en bibliographie). On imagine sans difficulté la masse de livres qui existent sur le mythe. Besson s'est laissé une marge de manœuvre qui lui permet de développer le mythe avec sa sensibilité habituelle.

Il offre au père de Jimmy la possibilité de parler de ce que certains nomment son "abandon" du petit James. "Je ne souhaite pas m'expliquer. Tout bonnement parce que j'estime ne pas avoir à me justifier. Moi, je sais, précisément, intimement, ce que c'est, d'être privé de lui. Ils ne sont pas nombreux, ceux qui le savent mieux que moi."

Ce manque est à l'image du manque du jeune Dean. Sa mère lui a tout offert, l'amour inconditionnel et la liberté de s'épanouir, de découvrir la danse et le théâtre à une époque où le petit américain moyen pratique le baseball ou le football. De cet amour et de ce deuil prématuré, James Dean gardera une blessure qu'il tentera, vainement, toute sa courte vie, de soigner en vivant vite, en aimant (?) hommes et femmes, en étant celui que sa mère (et d'autres, plus tard) avait entre-aperçu. Un Géant.

Un Géant que l'on découvre bad boy, et pas seulement dans la vie (fumeur invétéré, buveur illimité, solitaire qui aime la vitesse et le risque) mais aussi sur les plateaux où on lui pardonne ses "frasques" ("On pardonne tout aux types très doués." fait dire Besson à Elia Kazan, "Et les génies ont le droit de faire chier le monde." dixit Marlon Brando). Un "rebel without a cause" aux blessures multiples que l'on découvre au fil du roman.

Le danger, quand on utilise le principe du roman choral, c'est de n'utiliser les différentes voix que pour leur utilité informative, en oubliant de leur attribuer une singularité propre. Besson parvient à personnaliser quelques voix, d'autres se fondent dans un choeur plus large. Mais le mythe James Dean, puisque, précisément, il est "mythe", est construit de paroles autant, sinon davantage, que de faits... Et avouons que certains pseudo témoignages fonctionnent merveilleusement bien.

Comme disait Flaubert, "Il ne faut pas toucher aux idoles : la dorure nous en reste aux doigts." Philippe Besson s'en sort les doigts souillés de cette poussière d'étoile qu'il a su partager avec bonheur avec le lecteur. Et c'est déjà beaucoup.

Signé Stéphane

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* Eagles, ICI.

East of Eden - A l'Est d'Eden (1955) Elia Kazan

Rebel without a cause - La Fureur de vivre (1955) Nicholas Ray

Giant - Géant (1956) George Stevens

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